Dusit

Publié le par Benoît Geffroy

Dusit est le district royal de Bangkok. S'y promener permet de se plonger dans l'histoire récente de la Thaïlande, ainsi que d'apprécier quelques étonnantes constructions.

Tout commence il y a un siècle, lorsque le roi Rama V décide de déménager. Il fait construire au sein d'un même quartier plusieurs bâtiments, et notamment un nouveau palais. Ce dernier est toujours habité par le roi, et on ne peut le visiter. L'assemblée nationale, ainsi que de nombreux ministères, se trouvent aussi à Dusit.

Le principal centre d'intêret du district est la salle du trône d'Ananta Samakom.


Non cette photo n'a été prise ni dans la vallée de la Loire ni dans la campagne anglaise : il existe bel et bien un palais de marbre blanc à Bangkok! Conçu à l'origine pour les audiences royales, le bâtiment abrite aujourd'hui des oeuvres d'art appartenant à la Couronne. Les pièces exposées sont toutes récentes, confectionnées à l'occasion d'une célébration ou d'une d'autre. Chaises, barges miniatures, bijoux divers, tous sont entièrement dorés, et parés de mille détails délicatement sculptés.


Le décor extérieur ne m'a pas particulièrement transcendé, mais l'intérieur méritait la visite. Même si, respect du lieu royal oblige, il a fallu que je m'enroule dans un sari pour cacher mon short et mes jambes velues. Les peintures murales reprennent les thèmes grandiloquents des châteaux européens, avec un style peut-être un peu plus naïf. La vraie originalité est que cette fois, ce n'est pas un Dieu à barbe grise qui rayonne au dessus du dais, mais un Bouddha doré! De même, les fresques s'inspirent de la faune et la flore locales. Versailles ne m'a jamais pas habitué à voir des tigres bondir sous les plafonds, ce fut donc une expérience rafraîchissante!


Cependant, ce n'est pas le coté folklorique de l'endroit qui m'a le plus fait réfléchir. A premier abord, on peut trouver le palais un peu kitsch. Pourtant, le résultat est là : la Thaïlande est le seul pays d'Asie, avec le Japon, à avoir échappé à la colonisation. Le mérite en revient au roi Rama V, celui qui a fait construire Dusit, pour ceux qui ne suivent pas. Ayant reçu la meilleure éducation, il sut adopter la bonne distance vis-à-vis de l'Occident : assez proche pour abolir l'esclavage et apporter le chemin de fer, mais suffisament indépendant pour ne pas être satellisé. Peut-être le palais de marbre permit-il au roi d'être pris au sérieux par les émissaires des puissances occidentales? Il est évidemment facile de refaire l'histoire avec des si, mais les racines de l'actuelle (relative) prospérité de la Thaïlande prennent peut-être leurs origines ici.

(sans transition, une photo du palais de Vimanmek, derrière Ananta Samakom, où logeaient les diplomates de passage)



L'héritage de Rama V peut en fait être discuté. Après son règne, la Thaïlande connut une période difficile. Faut-il blâmer ses successeurs, ou bien les réformes du roi furent-elles trop rapides? Quoi qu'il en soit, Rama VII dut abdiquer en 1935. Par la suite, le pays cahota sous la dictature militaire (un épisode à replacer dans le contexte de la Guerre Froide, et surtout du Vietnam), et dut attendre les années 80 pour commencer à goûter à la démocratie.
Le Japon et la Thaïlande ont tout deux su éviter la colonisation, mais ont suivi des routes bien différentes. Comment expliquer ce résultat?  C'est sur cette question que je méditais vaguement en sortant du palais. Le peuple thaïlandais a en tout cas choisi son camps, et voue de nos jours un véritable culte à Rama V, comme l'atteste les fleurs et les bougies ornant le pied de sa statue.


Le roi actuelle, Rama IX, jouit lui aussi d'une excellente popularité. Et encore, ces mots sont trop faibles pour décrire l'adoration que lui voue son peuple. Je manque d'informations fiables à ce sujet, mais il a à plusieurs occasions tempéré la transition d'un régime à un autre (comprendre : coup d'état), et a facilité la transition démocratique. Son influence est telle qu'une de ses interventions peut suffire à disperser une manifestation qui pourrait autrement mal tourner. Il a par ailleurs lancé et financé bon nombre de programmes de développement. En cherchant du coté des années de dictature, on pourrait sûrement trouver des zones d'ombre au règne du roi. Il n'en demeure pas moins une sorte de souverain idéal, aimé du peuple et de l'étranger, à l'influence définitivement bénéfique.
Reste la question du crime de lèse-majesté, un délit existant encore en Thaïlande. Il se murmure que les lois interdisant toute critique de la monarchie protège avant tout l'establishment. Le roi lui-même a déclaré lors d'un discours qu'il n'était pas au-dessus de la critique. De plus, le prince héritier est loin d'être aussi apprécié que son père. La monarchie thaïlandaise a donc encore quelques défis à relever.
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