Ko Tarutao (1)

Publié le par Benoît Geffroy

Voilà le dernier article sur la Thaïlande, ainsi que le dernier reportage photo du blog. Je vous emmène à cette occasion loin de la ville, sur une île presque déserte.


Hong Kong. Confortablement installé dans un sofa du Starbucks de Hung Hom, je feuillete mon lonely planet en me demandant où je pourrais découvrir la nature thaïlandaise. Dans les dernières pages, celles consacrées à la mer andamane, je tombe sur Ko Tarutao. Une île transformée en parc naturel, sans lien de parenté avec les stations balnéaires qui infestent la côte.
Depuis que je suis en âge de rêver, mes lectures m'ont emmené dans bien des contrées inexplorées. Combien de rivages vierges ai-je parcouru depuis un lit ou une branche d'arbre? Mais l'aventure était restée imaginaire. Et le monde s'étant singulièrement rétréci depuis l'invention du satellite, je n'espérais pas vraiment posé un jour le pied en terra incognita.
Ko Tarutao se trouve au large de la frontière malaysienne, coté océan indien. D'après le guide, à part quelques bungalows rassemblés à la pointe nord, l'île est déserte. Ce qui laisse 25km au sud pour jouer au robinson. A moins de monter une expédition en Amazonie, il me serait difficile de trouver un endroit plus isolé. C'était l'occasion ou jamais d'expérimenter la vie seul dans la nature. Grass for my pillow! [de l'herbe pour oreiller]. Et je voulais de toute façon voir la nature thaïlandaise. Pourquoi pas là-bas? C'est ainsi que je prenais un bus de nuit pour Satun, une des principales villes du sud de la Thaïlande. J'avais trois jours pour ne pas me perdre.


Malgré l'absence de couchette, je dors assez bien. Au matin, c'est une scène nouvelle qui défile par la fenêtre du car. Des maisons aux murs blancs pontuent le bord de la route. Parfois une masure en tôle vient enlaidir un paysage par ailleurs assez quelconque. Mais les palmiers sont là pour rappeler que l'équateur n'est pas très loin!

http://fr.youtube.com/watch?v=9kdUoAF6Edc

Finalement j'arrive à Satun. On sent bien qu'on est loin de la capitale, l'ambiance fait très arrière-pays! Mais ce qui me frappe surtout, ce sont les dômes dorés des mosquées. De quoi rappeler au touriste que la frontière avec la Malaisie ne se trouve qu'à quelques dizaines de kilomètres, et que l'extrême sud de la Thaïlande est majoritairement musulman.


Acceptant une arnaque raisonnable, je monte dans une camionnette à destination du port.

http://fr.youtube.com/watch?v=Fz1wzf1VeuA

J'attends le bateau quelques heures, et finalement me voilà en route pour Ko Tarutao! Vue comme ça, l'embarcation a des airs de boat-people, mais ses moteurs nous éloignent rapidement de la côte.


Puis nous nous rapprochons des premières îles, promesses d'espace vierge et de tropique inconnu.



Pour faciliter votre orientation, voici une vue satellite de l'île. Elle fait vingt-cinq kilomètres du nord au sud, et onze d'ouest en est. Le bateau me dépose en haut de la plage nord-ouest (la fine ligne blanche le long de la côte)...


[travelling avant]

... et le paysage est à la hauteur de mes espérances. Je tombe instantanément sous le charme.



Mais je ne m'arrête pas rêvasser au bord de l'eau. Cet endroit n'est pas encore assez sauvage à mon goût! J'achète de l'eau et un peu de nourriture à la coopérative de l'île, et mets directement le cap au sud. Le moral et la forme sont au plus haut alors que je m'engage vers les profondeurs de l'île.


Je me retrouve vite submergé par la verdure. La végétation est luxuriante, sans me sembler particulièrement tropicale. La voûte des arbres me protège du soleil, et de temps en temps une trouée me laisse voir l'intérieur de l'île. Ces montagnes m'intriguent, mais je ne me laisse pas distraire : je veux aller le plus loin possible vers le sud aujourd'hui. Cela ne m'empêche pas de profiter pleinement de la nature et de la route qui ondule devant moi.


En chemin je croise une ruine d'une civilisation inconnue.


Ne craignant ni fantôme ni pilleur de tombes, je les explore de fond en comble. Las, il ne s'agit que d'une réserve d'eau.

Je suis l'unique route de l'île, qui relie le port au nord à un vague établissement sur la côte est. Ne faites pas attention au nom en bas de la carte, ça ne veut rien dire.


Sur la vue précédente, vous pouvez même voir l'endroit où je quitte la route, au niveau de l'extrêmité nord de la première petite plage. Le chemin serpente alors entre les collines. Par moment, une colonie de singes fuit à mon approche. Les feuilles se mettent à bruire, des cris perçants emplissent l'air, des formes noires bondissent vivement de branches en branches. Mais ils vont trop vite pour que je puisse les prendre en photo.


Peu de temps après avoir quitté la route pour le chemin de terre, je passe à proximité d'un village de bungalows. Jusqu'où faut-il aller pour trouver un peu de tranquillité? Une bonne heure plus tard, j'arrive au rivage. Il y a bien quelques bungalows, séparés de la plage par un petit cours d'eau, mais ils semblent déserts. Je foule le sable brûlant, et de petits crabes fuient devant moi à toute allure, de travers, comme s'ils n'osaient pas me tourner complètement le dos. Pas une âme en vue. Victoire! Mais je descends tout de même la moitié de la plage avant de poser mon sac.


Je suis trempé de sueur, et ma dernière douche n'est qu'un lointain souvenir. Je glisse dans mon maillot de bain... La température de la mer est parfaite.


Je me laisse flotter, et m'imprègne doucement de l'endroit. Je suis arrivé sur un bout de terre où il n'y a personne! Je ne suis pas spécialement misanthrope, mon idée est plutôt de vivre quelques jours seul dans la nature. Je suis étonné par la vitesse à laquelle je m'approprie l'endroit. Très vite dans ma tête il s'agit de "mon île" et de "ma plage". Comparée aux sables blancs et aux eaux turquoises des îles de l'est de la Thaïlande, ma plage n'a pas l'air bien tropical. Pourtant, cette lumière dans l'air, ces collines verdoyantes qui touchent le rivage... Pas de doute, je suis dans un endroit nouveau pour moi! Un peu plus tard, une moto portant un garçon et une fille passe en trombe, me rappelant que je ne suis pas seul au monde. J'aurais eu l'air malin s'ils avaient embarqué mon sac... Pourtant, je touche du doigt une sensation exultante, comme si tout d'un coup tout était possible. Je savoure le moment, laissant le sel de la mer me laver...




Une photo de mon "campement". Vous pouvez remarquer au premier plan le lonely planet ainsi que mes nombreuses bouteilles d'eau. Un peu plus haut, près des chaussures, le livre qui m'a fidèlement accompagné pendant le voyage : "Heaven's net is wide". Il s'agit de la préquel du clan des Otori, série relativement connue en France, dont je recommande vivement la lecture à ceux qui aiment les romans d'aventure. Il m'est devenu impossible de voyager seul sans lecture : un chapitre d'un livre pas trop exigeant me permet de ne pas saturer sur le contenu culturel/visuel. Enfin, par soucis de vérité, je précise qu'il s'agit bien de mon caleçon à coté. Malheureusement pour mes groupies, son motif n'est pas discernable.


Je tombe aussi sur d'étranges empreintes... Bah, je suis sûrement la plus grosse bête de l'île.



Je prends mon temps pour dîner, alors que la lumière diminue. Pour notre première rencontre, l'océan indien se pare de mille couleurs pour le crépuscule.


Mais voilà que la nuit approche, et avec elle le début des ennuis...

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